« Tu as trop de chance », « j’aurais rêvé de faire ça », « c’est courageux de partir seule »… annoncer que l’on part faire un tour du monde alimente des réactions classiques qu’il est amusant – sinon agaçant – de savoir contrer. Vivre ses « dernières fois » avant le départ est par ailleurs une expérience des plus fortes, qui mérite un petit temps d’arrêt.
La chance, le rêve
Non, partir ne relève pas de la chance. Je n’ai pas gagné au loto, personne ne m’a pris par la main pour me donner la marche à suivre. Nul ne m’a forcé à quitter mon travail et mon appartement ni à faire mes vaccins. C’est un projet longuement mûri, préparé depuis plusieurs mois, un changement radical de vie. Si tu en rêves vraiment comme tu le dis, qu’est-ce qui t’empêche de te lancer toi aussi ? Que l’argent ne soit pas la réponse facile, certains, comme l’Aventurière Fauchée, partent bien sans un rond…
J’apprécie ceux qui reconnaissent que ce type de voyage ne serait pas pour eux. Qu’ils sont simplement heureux pour moi mais ne m’envient pas. Que la simple idée de partir sans savoir où dormir le soir génère suffisamment de stress pour leur gâcher l’expérience. Ils ont le mérite d’être honnêtes et de ne pas projeter leurs peurs ou leurs regrets refoulés sur moi. Certains ont besoin de fonder une famille, d’investir dans un appartement ou une maison, d’autres de tout plaquer et partir loin. Mais pourquoi toujours chercher à comparer et juger les besoins profonds de chacun ?
De la solitude en voyage
C’est connu, on n’est jamais vraiment seul en voyage. On rencontre d’ailleurs d’autant plus de monde en partant seul(e). Et pourtant, combien ont loué mon courage de partir solo, surtout en étant une femme. Mais combien l’ont fait avant moi et n’en sont revenues que plus fortes ? N’a-t-on pas autant de risques dans sa propre ville ?
Je considère la solitude comme une étape nécessaire à notre construction en tant qu’adulte. Notre identité ne peut se forger au regard d’une autre personne avec qui nous partageons notre quotidien, pour qui l’on sera amené à faire des concessions. Tout simplement se connaître soi-même et savoir être heureux seul, avant de chercher à l’être avec un autre… or le voyage est bien l’un des meilleurs apprentissages de la vie. Que de plus enrichissant et puissant que d’apprendre à s’en sortir en toute situation, de développer son humilité et son courage, et de faire confiance à son intuition ?
« Alors, ça fait quoi de sentir le départ approcher ? »
Nombre de personnes m’ont demandé ce que je ressentais à l’idée de bientôt partir. Évidemment l’excitation et la joie ont toujours motivé mon départ, mais j’étais avant tout dans l’instant présent. À profiter pleinement des jours restant en France.
À quelques jours de mon envol, je ne réalise toujours pas totalement ce qui m’attend. Mais si j’avais gâché ces derniers moments avec mes proches à trop penser à l’Afrique du Sud, cela signifierait qu’une fois là-bas je ne ferais que penser à l’Argentine et ainsi de suite dans chaque nouveau pays ? Je passerais alors à côté de chacune de ces expériences…
Vivre de nombreuses dernières fois à l’approche d’un tel départ est une expérience forte et particulièrement enivrante. J’ai vécu chaque minute partagée avec mes proches, chaque lieu et chaque activité avec une intensité et une saveur unique, ne sachant pas quand je revivrais ces moments ni reverrais ces personnes. Cette sensation de dernière fois – avant longtemps – rend tous ces instants d’autant plus beaux, forts et marquants.
C’est l’occasion aussi d’échanger des sentiments, des mots, des déclarations d’amour/amitié que l’on ne serait jamais témoignés autrement.
Ces dernières semaines ont ainsi été une expérience de pleine conscience grandeur nature. Et une très belle leçon : vivre ainsi tous les jours, en mesurant profondément la valeur de nos actes, nos paroles et nos sentiments, est définitivement une clé vers l’épanouissement. Savourer chaque instant de bonheur – surtout les plus simples – avec la conscience accrue qu’ils sont si précieux…
Mon départ n’a rien d’une fuite. Je sais ce que je quitte, ce qui va me manquer. Je sais aussi toutes les premières fois qui m’attendent, et ma décision est avant tout motivée par ma curiosité. J’aime mes proches, j’aime la France et tout particulièrement Paris, j’aime le fromage, le vin, le kéfir et les graines de toute sorte, j’aime arpenter Paris sur mon petit vélo, j’aime danser jusqu’à l’épuisement, et tant d’autres encore ; et je serais inhumaine de quitter tout cela sans un petit pincement au cœur.
Prochain épisode une fois en Afrique du Sud !
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